jeudi 28 février 2013

Mona Lisa Massage, par Fabrice Guénier



Mona Lisa Massage : un aquarium illuminé. Il y a cent créatures échantillonnées sur les gradins.
Des robes de Miss.
Tous les satins de la terre. Des chingnons savants. L'or brodé sur l'éclat des étoffes comme des crayons de couleur. Des rouges cardinaux, des jaunes électriques, du bleu, des vert amande. Sous un éclairage très blanc, fluo, pour que les peaux paraissent encore plus pâles, poudrées. Pâtisserie. Des meringues au teint diaphane - Marie-Antoinette, la bouche frappée de sang.
Il s'était avancé.
Dégaine panouilleuse. Carrure.
Un parpaing.
Veste trop large et des chaussures qui crissaient. "I'm the manager." Chevalière, une montre géante, il m'avait serré la main. J'avais senti cinq pommes de terre. "What Lady you want, Sir?" Il se comportait comme s'il était personnellement responsable de la plastique des filles. M'en vantant les qualités, m'en détaillant les spécialités, comme un sommelier, comme on conseille un cigare. La pompe et le pragmatisme en même temps: "Include : massage, shower, room. The Lady. Everything, Sir."
Il avait un micro. Faites vos jeux. Numéro douze, numéro vingt, dans le haut-parleur.
Deux filles.
Comme un désir d'être en minorité. Deux filles, comme on peut désirer trop de lumière.
Pour disparaître.
Elle s'étaient levées. Pochettes sous le bras, sourires, baisers soufflés derrière la vitre. Escort. Magazine. SAS. Ascenseur. Je partais demain.
Dans la suite, elles avaient babillé en se déshabillant, dans leur langage aigu de chat, entre deux vagues de rire. Dans la télé, avaient glissé la cassette X ad hoc.

(Extrait de Les Saintes, roman de Fabrice Guénier - Editions Gallimard 2013)

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